Initiation à la spectroscopie

Ecrit le 20/01/22.

S'initier à la spectroscopie avec un Star Analyser

Alors, la spectroscopie, c’est quoi ? Comme son nom l’indique, la spectroscopie est l’étude des spectres. Un spectre est la décomposition de la lumière en « arc-en-ciel », et en astronomie on étudiera en particulier les spectres des étoiles (mais on peut également étudier des spectres de nébuleuses, de planètes, de galaxies…).  D’un point de vue pratique, il faut utiliser un spectroscope et il y a quelques temps, j’ai fait l’acquisition d’un Star Analyser : il s’agit d’un réseau de diffraction monté dans une bague standard de 31,75 mm, qui va donc se visser comme un filtre classique sur les embouts habituellement utilisés en astronomie. C’est lui qui va faire office de spectroscope.

Les différents types d'étoiles

L’étude des spectres (et l’étude des raies présentes dans les spectres) peut nous renseigner sur la température d’une étoile, sa densité, les éléments qui composent un objet mais également sa vitesse d’éloignement (ou de rapprochement) par rapport à nous. Avec notre Star Analyser, on peut déjà observer les différents types d’étoiles présentes dans notre ciel. En effet, les astronomes classent les étoiles en différents types en fonction de leur température. Ces types sont nommés O, B, A, F, G, K et M, les étoiles O correspondant aux étoiles les plus chaudes et les étoiles M aux étoiles les plus froides. Par exemple le soleil est une étoile de type G (plus précisément G2 V…), de température 5600 K (degré Kelvin). Selon son type, l’étoile présentera un spectre différent, et on peut facilement comparer entre eux les spectres de différentes étoiles.

Spectre d'étoile

L’acquisition d’un spectre d’étoile peut se faire avec un appareil photo numérique ou une caméra astronomique. Une appareil photo numérique aura l’avantage de présenter une beau spectre coloré comme un arc-en-ciel, mais il est préférable d’utiliser une caméra avec un capteur noir et blanc qui sera plus sensible et donc plus précis. Lors de l’acquisition, il faudrait veiller à ce que le spectre soit le plus horizontal possible (il faudra sans doute procéder à plusieurs essais), ce qui en rendra le traitement là aussi plus précis. La distance entre le capteur et le Star Analyser doit être compatible avec la taille du capteur et la focale du télescope. A ce sujet, vous pouvez vous rendre sur cette page et utiliser le calculateur qui vous permettra de vérifier quelle distance utiliser avec votre équipement. Il ne vous reste ensuite plus qu’à faire l’acquisition des spectres des étoiles que vous aurez sélectionnées.

Sur l’image ci-dessous, vous pouvez voir l’acquisition d’un spectre de l’étoile Alioth dans la Grande Ourse, il s’agit d’une pose de 2 secondes avec le Canon 450D monté sur le newton 200/800 :

A gauche de l’image nous voyons l’étoile elle-même (ce qu’on appelle l’image d’ordre 0) et à droite le spectre (appelé spectre d’ordre 1, il s’agit du spectre le plus brillant sur l’image, en effet le réseau de diffraction produit d’autres spectres moins brillants appelés spectres d’ordre 2 ou d’ordre -1, -2 … de l’autre côté de l’étoile). On peut déjà distinguer la présence de raies plus sombres sur l’image du spectre coloré.

Ci-dessous voici l’image du spectre de Sirius acquis avec la caméra ZWO 1600 sur le 200/800, il s’agit d’une pose de 0,02 seconde. L’image est donc en noir et blanc, c’est moins esthétique… mais on distingue bien les raies d’absorption sur l’image.

Traitement d'un spectre d'étoile

Les images des spectres ainsi acquis sont appelés des spectres 2D. Pour les analyser, il faut maintenant les transformer en spectre 1D, c’est-à-dire en faire une représentation graphique qui va montrer l’intensité du spectre en fonction de la longueur d’onde, c’est-à-dire en gros mesurer l’intensité de chaque couleur qui composent le spectre. C’est ce qu’on appelle la réduction des spectres.
Pour cela on peut utiliser les logiciels gratuits ISIS ou Visual Spec, les deux ont un fonctionnement assez différents mais sont complémentaires. Ils permettent chacun de produire un spectre 1D comme celui-ci :

Ce spectre a été obtenu à l’aide du logiciel ISIS, on obtient au traitement un spectre de cette forme, mais non étalonné en longueur d’onde, c’est-à-dire que l’axe des abscisses (mais si, celui qui est à l’horizontal, rappelez-vous de vos cours de collège…) contient les valeurs des pixels de l’image et non les longueurs d’onde directement. Il faut ensuite passer par une étape de la réduction des données qui consiste à faire cet étalonnage (je me fendrai peut-être d’une page sur ce processus..), et on obtient ensuite le spectre avec les longueurs d’onde indiquées en abscisse. Le spectre visible va ainsi en gros de 4000 Angstrom (A) (ou 400 nanomètres), ce qui correspond à la longueur d’onde du violet, jusqu’à 8000 A (longueur d’onde du rouge) en passant par toutes les longueurs d’onde correspondant aux couleurs de l’arc-en-ciel, donc toutes les couleurs du spectre visible.

Premiers résultats

A l’aide du Star Analyser, on peut déjà commencer par créer des spectres des différents types d’étoiles et ainsi les comparer entre eux.
Voici ci-dessous le spectre de Capella étalonné en longueur d’onde :

On observe ainsi facilement la différence entre le spectre de Sirius, étoile de type A dont la température est de 9500 K, et Capella, étoile de type G dont la température est de 5400 K. Pour une meilleure comparaison et des données un peu plus « scientifiques », il est nécessaire ensuite de corriger les spectres par ce qu’on appelle la « réponse instrumentale », afin d’obtenir des spectres plus conformes au spectre réel de l’étoile, les spectres non corrigés présentés ici subissant à la fois des modifications dues à la sensibilité du capteur utilisé pour les acquisitions mais également à l’atmosphère terrestre qui modifie la quantité de lumière captée. Mais ceci mérite aussi un article consacré à ce sujet.

A l’aide du logiciel Visual Spec, on peut également s’amuser à recréer (à partir du profil corrigé cependant), des spectres synthétiques des étoiles.

Spectre de Sirius :

Spectre de Capella :

Là aussi on peut constater la différence entre les deux. Le spectre de Sirius montre surtout des couleurs dans la partie bleue, c’est ce qu’on voit quand on l’observe car elle présente une couleur blanche bleutée, tandis que le spectre de Capella montre des couleurs dans tout le spectre visible. C’est pourquoi vous verrez cette étoile de couleur jaune quand vous l’observerez dans le ciel. On distingue également les raies d’absorption dans les spectres.

Le premier projet que l’on peut faire ainsi avec ce petit équipement consiste donc à constituer un catalogue des différents types d’étoiles, ce que je vais essayer de faire dans les mois qui viennent. A l’intérieur de chacun des types les étoiles sont classées en sous-types (par exemple il y a les types A0, A1…) il est donc possible de faire un catalogue des différents sous-types. Ceci permet également d’apprendre à traiter les spectres d’étoiles, comment les étalonner et comment les corriger de la réponse instrumentale afin d’obtenir des spectres conformes à ceux obtenus par les astronomes professionnels. A partir de tels spectres corrigés on peut également très facilement, à l’aide du logiciel Visual Spec, obtenir une estimation de la température d’une étoile. Voilà de quoi s’amuser et utiliser son instrument astronomique pour commencer à faire (modestement) un peu de science avec notre matériel d’amateur !

Retour en haut